DOS AU MUR

Vers les États-Unis, récits d’exilés centraméricains

Médecins Sans Frontières
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    Chapitre I : Fuir la violence 

    Les récentes politiques migratoires imposées par les États-Unis et le Mexique prennent au piège des milliers de Centraméricains fuyant les violences dans leurs pays et les forcent à survivre dans des conditions de plus en plus précaires et dangereuses, souvent au péril de leurs vies. Sur la plus importante route migratoire au monde, les équipes MSF soignent des dizaines de milliers de migrants et de réfugiés tout au long de leur périple.

    Zones de guerre

    Environ 500 000 personnes entrent au Mexique chaque année. La majorité d’entre elles fuient le Salvador, le Honduras et le Guatemala, une zone plus connue sous le nom de Triangle du Nord, l’une des régions les plus violentes au monde.

    Les degrés de violence dans le Triangle du Nord sont comparables à ceux des zones de guerre où MSF travaille depuis des décennies et constituent le facteur majeur de migration vers le nord du Mexique, pour rejoindre les États-Unis. Les citoyens y sont assassinés en toute impunité, les enlèvements et les extorsions sont monnaie courante.

    Sous l’emprise des maras

    Les organisations criminelles et les gangs contribuent à l’insécurité et maintiennent un contrôle solide dans de larges zones du Honduras, du Salvador et du Guatemala. Ces gangs, appelés localement maras, y créent des frontières factices et changeantes, restreignant les mouvements de la population et leur accès aux services de base.

    Plus de la moitié des personnes interrogées par les équipes MSF (52,3%) ont déjà tenté de fuir leur pays au moins une fois auparavant. La pauvreté et la violence dans ces zones, abandonnées par l’Etat, sont inextricablement liées à un manque de services publics. Une grande partie de la population y vit dans la peur, sous le régime de terreur des gangs.

    Le niveau de violence endémique dans de nombreuses communautés expose les enfants et les adolescents à des spirales d’agressions et de meurtres, ce qui peut les conduire à reproduire des formes similaires de comportement hostile dès le plus jeune âge. Parfois, la rupture sociale et familiale les amène à considérer les gangs comme la seule solution.

    Le poids des maux

    Entre 2016 et le premier semestre de 2019, les équipes MSF ont dispensé plus de 10 309 consultations de santé mentale à 4 942 patients victimes de violences, et notamment de violences sexuelles. Les principaux diagnostics concernaient des syndromes de stress post-traumatique et des cas de dépression pour la moitié d’entre eux.

    Au Salvador, elles ont aidé plus de 1 500 patients en 2019 dans le cadre des programmes de santé mentale, dont 57 % avaient été exposés à la violence.

    Les victimes de violence sont aussi prises en charge depuis cinq ans à Tegucigalpa, au Honduras. Plus de 2 700 personnes agressées sexuellement, dont 60 % de moins de 18 ans, y ont été soignées et accompagnées.

    Les données médicales recueillies par MSF indiquent également des niveaux de violence élevés le long de la route migratoire, une fois le pays d’origine quitté. En cause, les réseaux criminels – notamment en lien avec les cartels de la drogue – mais aussi les autorités mexicaines et américaines.

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      Chapitre II : Le Mexique, passage à tabac

      Durant leur transit au Mexique, 57,3 % des personnes interrogées par les équipes MSF ont été exposées à des formes de violence, y compris des cas d’agressions, de vols, d’extorsions, d’agressions sexuelles, de détention et de torture.

      Entre 2015 et fin 2019, plus de 42 000 consultations médicales et plus de 11 000 consultations en santé mentale ont été dispensées par nos équipes à la population migrante.

      La violence dans le pays a atteint des niveaux sans précédent, avec plus de 250 000 personnes tuées depuis 2006 et environ 61 000 personnes disparues, selon des estimations datant de janvier 2020. La pression sur la population migrante s’est accentuée dans le pays depuis la mise en œuvre du Plan Frontalier Sud en 2014, avec des contrôles accrus de la part des autorités mexicaines.

      De la frontière Sud…

      Les agressions sexuelles sont récurrentes et ont été spécifiquement signalées par nos patients dans le sud du Mexique, dans les états du Chiapas et de Tabasco, où ils ont l’habitude de se déplacer à pied pour éviter les contrôles aux frontières.

      En 2018, 172 victimes de violences sexuelles ont été prises en charge par MSF, dont 21,2 % d’enfants. Au cours des neuf premiers mois de 2019, le nombre de cas de violences sexuelles traités au Mexique par nos équipes a plus que doublé, soit une augmentation de 134 % par rapport à la même période l’an dernier.

      Ces dernières années, nos équipes ont visité de nombreux centres de détention mexicains pour migrants où la surpopulation, l’insuffisance de soins médicaux et le manque de ressources sont devenus la norme.

      Au cours de ces visites, les équipes ont traité des personnes atteintes de maladies infectieuses et de diarrhée, ainsi que des victimes de violences, dont certaines nécessitaient une aide psychologique.

      Dans des témoignages recueillis en octobre 2019 par MSF, les patients ont également évoqué des enlèvements, des traitements cruels comme des actes de torture et des agressions sexuelles à des fins d’extorsion, auxquels ces derniers sont exposés dès qu’ils franchissent la frontière entre le Guatemala et le Mexique.

      … à la frontière Nord : un combat permanent

      Ces violences sont aussi quotidiennes dans le nord du Mexique, à la frontière avec les États-Unis. À Nuevo Laredo, 8 personnes sur 10 (79,6 %) traitées par MSF au cours des neuf premiers mois de 2019 ont déclaré avoir été victimes de violences. 43,7 % des patients ont expliqué avoir été agressés au cours des sept jours précédant leur consultation.

      La stratégie des réseaux criminels à la frontière Nord du Mexique est rodée. Les descriptions des patients interrogés sont similaires : ils racontent avoir été enlevés à la gare routière, puis ils sont enfermés et frappés afin d’obtenir les numéros de téléphone de proches déjà installés aux États-Unis, qui pourront payer une rançon.

      Dans le camp de Matamoros, à l’est de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, les équipes MSF ont constaté que les patients multiplient les crises de panique. Elles sont renforcées par l’instabilité de leur environnement et les conditions de vie dans le camp : 61 % d’entre eux sont dans un état d’anxiété ; plus de la moitié ont moins de 15 ans.

      Les soins en santé mentale constituent l’élément majeur des programmes que les équipes MSF mettent en place à la frontière avec les États-Unis, en raison des pressions des autorités liées à une stratégie de dissuasion migratoire plus que jamais assumée.

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        Chapitre III : Retour à l'envoyeur

        Au-delà des données médicales et des témoignages qui sont autant de preuves flagrantes des souffrances des migrants et des réfugiés dans la région, 1 907 décès de migrants ont été enregistrés à la frontière entre le Mexique et les États-Unis depuis 2014, dont 26 enfants.

        Le nombre de décès d’enfants est en hausse et, au cours du seul premier semestre de 2019, 13 décès d’enfants ont été enregistrés. Parmi les Centraméricains interrogés, 5,9 % ont déclaré avoir été témoins d’un décès depuis leur entrée au Mexique et, dans 17,9 % des cas, il s’agissait d’un homicide.

        Les schémas de violences récurrentes documentés par MSF se déroulent dans un contexte où les politiques d’immigration et d’asile contribuent à accroître la vulnérabilité de la population migrante.

        Remain in Mexico

        Le gouvernement américain a mis en œuvre une série de mesures visant à limiter l’immigration et à restreindre l’accès à l’asile. Il a également fait pression sur le Mexique et d’autres pays de la région pour que ceux-ci prennent des mesures plus agressives afin d’empêcher les demandeurs d’asile d’arriver à sa frontière Sud.

        Les pratiques abusives des gouvernements du Mexique et des États-Unis, y compris la détention de migrants dans des conditions inhumaines, affectent gravement leur vie et leur santé. De nombreux patients ont déclaré avoir été détenus aux États-Unis dans des conditions terribles, parfois dans des cellules glaciales (décrites en espagnol comme des hieleras ou des congélateurs), les lumières allumées 24h/24, avec un accès limité aux soins de santé, et sans nourriture, ni vêtements ou couvertures adéquats.

        En vertu des « protocoles de protection des migrants », plus de 55 000 demandeurs d’asile ont été contraints de retourner au Mexique pour attendre leurs demandes. Au cours du seul mois d’octobre 2019, 75 % de nos patients à Nuevo Laredo ont déclaré avoir été kidnappés récemment.

        Des politiques migratoires mortifères

        Les récentes politiques américaines et les accords bilatéraux conclus avec le Mexique et les pays du Triangle du Nord démantèlent drastiquement le système de protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, prévoyant la possibilité de les renvoyer dans leurs pays d’origine, où ils risquent leurs vies.

        Le labyrinthe de barrières physiques et administratives dans lequel ils se retrouvent piégés les oblige à choisir entre rester dans leur pays d’origine, demander l’asile dans des pays qui n’offrent pas de garanties de protection suffisantes, ou entrer aux États-Unis de manière illégale en sacrifiant leur demande d’asile.

        Ces mesures ne laissent aucune chance aux Centraméricains d’échapper à la violence, ni de vivre en sécurité.

        ***

        Note: Les données MSF sont basées sur 480 entretiens et témoignages de migrants et de demandeurs d’asile d’Amérique centrale, les expériences du personnel de MSF et les données médicales de plus de 26 000 personnes aidées le long de la route migratoire à travers le Mexique au cours des neuf premiers mois de 2019. Source: No Way Out, MSF 2020

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